Lire : Ass. plén., 8 mars 2024, n° 21-12.560 et 21-12.230, Bull.
Comme l’y invitaient les pourvois formés par le cabinet, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation refuse d’appliquer la jurisprudence dite Czabaj du Conseil d’Etat, qui consiste à appliquer un délai de recours d’un an à l’action en annulation d’une décision administrative, alors même que la notification de la décision ne porte pas les mentions obligatoires (voies et délais de recours) indispensables, selon la loi, pour faire courir le délai.
Pour justifier sa décision, la Cour de cassation expose que l’ordre judiciaire et l’ordre administratif obéissent à des « principes et règles juridiques différents » (§ 16). En particulier, devant les juridictions judiciaires, s’applique un délai de prescription, de sorte que « le risque de contestation d’actes ou de décisions sans limite de durée ne se présente pas dans les mêmes termes devant les juridictions judiciaires » (§ 22). La Cour de cassation craint également que la transposition de cette jurisprudence devant les juridictions judiciaires fragilise le principe général de procédure civile suivant lequel, à défaut d’être précisément indiqué dans l’acte de notification, le délai de recours contre un jugement ne court pas (§ 24).
La convergence des jurisprudences administrative et judiciaire n’est donc pas une fin en soi.
La solution s’inscrit dans le sillage d’un récent arrêt de la CEDH (CEDH, 9 nov. 2023, Legros c/ France, n° 72173/17 et 17 autres) qui avait jugé que l’application immédiate, aux instances en cours, du délai prétorien de procédure Czabaj portait atteinte au droit d’accès à un tribunal.
Ces affaires avaient donné lieu à une audience filmée, qui peut être visionnée ici.