Responsabilité du parent et résidence de l’enfant

Lire : Ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84.760, Bull.

Le code civil prévoit la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur « habitant avec eux » (article 1242). L’application de cette condition de résidence posait difficulté lorsque les parents étaient séparés : le parent qui n’avait pas la garde était-il toujours responsable du fait de son enfant ?

La Cour de cassation jugeait, par une interprétation littérale de la loi, que seul le parent chez qui la résidence avait été judiciairement fixée était responsable

Cette solution pouvait s’avérer injuste. L’affaire soumise à la Cour de cassation en offrait l’illustration : une mère, notre cliente, qui avait la garde de son fils, se trouvait seule responsable des dommages causés par celui-ci, dommages dont le coût excédait de plusieurs millions d’euros le plafond de son assurance. Le père, pourtant doté d’un droit de visite, n’était tenu à rien.

Le cabinet a formé un pourvoi en cassation et posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Si le Conseil constitutionnel a écarté l’inconstitutionnalité (décision n° 2023-1045 QPC du 21 avril 2023), la Cour de cassation a, elle, opéré un revirement de jurisprudence.

Réunie en Assemblée plénière et par un arrêt doté d’une motivation enrichie, elle a rappelé « le principe de la coparentalité », promu par la loi et par la Convention internationale des droits de l’enfant, selon lequel « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement, laquelle subsiste après la séparation du couple parental » (§ 27-28).

Elle en a déduit qu’elle devait « interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l’égard duquel ils exercent conjointement l’autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers » (§ 29).

Dorénavant, sauf décision confiant l’enfant à un tiers, la responsabilité des parents du fait de leur enfant résulte du seul exercice de l’autorité parentale, peu important la résidence de l’enfant.

On peut se réjouir de ce revirement de jurisprudence :
– sur le plan des principes, les parents sont mis à égalité et responsabilisés ; la responsabilité du fait d’autrui est assurément objectivée ;
– sur le plan pratique, le parent ayant la garde (la mère le plus souvent) ne sera plus le seul à assumer financièrement les dommages causés par l’enfant et les victimes disposeront d’un débiteur supplémentaire et, surtout, d’un recours contre son assureur.

L’affaire a donné lieu à une audience filmée qui peut être visionnée ici.